ANAE N° 100 - Approche neurocognitive de l'autisme

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ANAE N° 100

Décembre 2008 – Vol 20, tome V

Approche neurocognitive de l’autisme infantile.

A. De Volder et J. Grégoire

 

Le 18 octobre 2008, une journée de rencontre a été organisée sur le site de l’Université catholique de Louvain, à Louvain-la-Neuve en Belgique, par la Fondation pour la recherche en neuropsychologie pédiatrique Docteur Anne Van Hout sur le thème de l’autisme infantile.  Cette journée, destinée avant tout aux professionnels de la santé intervenant dans la prise en charge des personnes avec autisme (médecins, psychologues, logopèdes…), avait pour objectif de faire l’état de la recherche et des pratiques diagnostiques et éducatives relatives à l’autisme.

 

Le contexte de cette journée fut rappelé par Xavier Seron.  Cette rencontre, comme les précédentes, a été organisée à la mémoire et pour prolonger l’œuvre du Dr. Anne Van Hout, neuropédiatre, née en 1944 et décédée en 2003 après avoir exercé de nombreuses activités de recherche et d’enseignement, principalement à l’Université catholique de Louvain.  Madame Mireille Vilain Van Hout, la maman d’Anne, est à l’origine de la Fondation pour la recherche en neuropsychologie pédiatrique Docteur Anne Van Hout.  Officialisée le 30 septembre 2005, la Fondation a pour but de contribuer à développer et diffuser une meilleure connaissance de la neuropsychologie pédiatrique et favoriser la formation de jeunes chercheurs dans ce domaine, dans l’esprit qui était celui du Docteur Anne Van Hout.   

Dans cet esprit, déjà deux premières rencontres ont eu lieu, portant sur les thèmes des troubles du calcul en 2004 et de la dysphasie en 2006.  Nous nous sommes réunis le 18 octobre 2008 pour partager la troisième journée de rencontre de la Fondation, consacrée cette fois à l’autisme infantile.

 

L’ensemble des interventions, détaillées ci-après, fait partie d’un tout si l’on se réfère au thème de la journée, à savoir « l’état de la recherche et des pratiques diagnostiques et éducatives relatives à l’autisme ».

Tout d’abord, à la difficile question du « pourquoi » un enfant est-il autiste, c’est Hilde Peeters, notre collègue de la Katholieke Universiteit Leuven, qui apportera des éléments de réponse en abordant les facteurs génétiques de l’autisme. 

L’exposé suivant, donné par Monica Zilbovicius, du Service Hospitalier Frédéric Joliot et unité INSERM à Orsay, est axé sur les connaissances obtenues au moyen de l’imagerie cérébrale.  L’imagerie cérébrale fonctionnelle nous permet aujourd’hui d’explorer le fonctionnement du cerveau, notamment pendant le traitement du langage et de la voix, souvent gravement perturbés chez l’enfant autiste. L’un des symptômes repris sur la carte de l’autisme de la National Autistic society précise que l’enfant autiste est écholalique et répète ce qu’il entend « comme un perroquet ».  Est-ce dû à un dysfonctionnement du cerveau ? Ces perturbations ont-elles des corrélats cérébraux ?

L’exposé suivant était donné par Nicolas Georgieff de l’Université Claude Bernard à Lyon, chargé de présenter les éléments qui sont en faveur d’une altération des cognitions sociales dans le syndrome autistique.  Un des modèles théoriques de l’autisme stipule en effet, en accord avec la théorie de l’esprit, que si le bébé humain décode très tôt les expressions faciales et peut les imiter, et plus tard les interpréter et deviner les intentions d’autrui, ce processus serait absent ou déficient chez l’enfant autiste.  Ses échanges sont unilatéraux, sans réciproque.  Est-ce là l’origine de l’autisme ?  Certains auteurs défendent cette hypothèse. 

Mais la personne autiste ne se définit pas uniquement en termes de déficience.  Un des symptômes est une restriction des intérêts et des activités à certains domaines restreints pour lesquels certaines personnes autistes peuvent parfois développer des compétences tout à fait particulières.  Alors l’autisme, est-ce vraiment une autre intelligence ?  Ces observations et cette question ont fait l’objet des travaux de Laurent Mottron, à l’Université de Montréal, qui fournit dans son exposé des informations inédites, sous un éclairage nouveau, concernant la perception et ses rapports avec l’intelligence dans l’autisme.

 

Le Professeur Ghislain Magerotte de l’Université de Mons-Hainaut s’intéresse particulièrement au style d’apprentissage des personnes avec autisme.  Tenant compte des particularités propres à l’autisme, il nous rappelle l’intérêt d’une structuration visuelle de l’apprentissage et souligne le rôle des renforçateurs au cours de ce processus.

 

Après les aspects théoriques de l’autisme, nous nous concentrerons sur les aspects pratiques sur le terrain, en bénéficiant également de l’expertise de plusieurs orateurs.  

Tout d’abord se posera la difficile question du diagnostic : lorsqu’un enfant a des comportements bizarres, comment savoir si cet enfant est autiste, en particulier en bas age?  C’est Jean-Louis Adrien, de l’Université Paris V (Descartes), qui apporte une réponse actualisée dans son exposé concernant le diagnostic précoce de l’autisme et les évaluations psychologiques des enfants avec autisme. 

Le deuxième volet orienté vers les pratiques de terrain concernera la prise en charge : entre la méthode Teacch, ABA, pour n’en citer que deux, les parents et les professionnels ont parfois bien du mal à s’y retrouver.  C’est dans ce contexte qu’intervient l’éclairage de Maria-Pilar Gattegno, de l’Université Paris V (Descartes) dans son exposé consacré à la prise en charge des personnes avec autisme et troubles envahissants du développement, en insistant particulièrement sur les bienfaits d’une intervention adaptée et individualisée.

L’autisme est une question passionnante pour les chercheurs mais brûlante et douloureuse pour les parents d’enfants autistes, confrontés à des défis quotidiens.  Dans son exposé orienté vers les familles, notre collègue Anne Wintgens de l’Université catholique de Louvain souligne l’importance du vécu des parents et des fratries d’enfants avec autisme, sur base de son expérience dans le Centre de Référence des troubles du spectre autistique des Cliniques universitaires Saint-Luc, et dans une perspective systémique moderne.

 

Ce dernier exposé fut suivi d’un débat de clôture, axé sur la confrontation entre les modèles théoriques et les pratiques concrètes.  Animé par Ghislain Magerotte, assisté de Nathalie Nader, Isabelle Roskam et Xavier Seron, de l’Université catholique de Louvain, ce débat fut l’occasion de permettre des échanges concernant l’ensemble de la journée en présence des orateurs et de fournir l’occasion d’adresser des questions concrètes aux spécialistes présents.  

 


Conclusion.

A.G. De Volder et X. Seron

 

La diversité des travaux en cours dans le domaine de l’autisme et des troubles d'apprentissage liés à l’autisme, que les différents intervenants n’ont pu qu'esquisser au cours de cette journée, en fait un champ d'activité en pleine expansion dans lequel se rencontrent -et parfois s'affrontent- les intérêts divers des enfants et adolescents concernés et de leurs familles, des professionnels impliqués dans la recherche, l'évaluation, l'éducation ou l'intervention clinique, et des administrateurs chargés de la planification et du fonctionnement des services spécialisés.

 

Les sociétés industrialisées mettent un accent considérable sur la performance intellectuelle et sur l'autonomie personnelle et sociale. Le choix d'une école, d'un milieu de vie, d'une institution bien adaptés au problème de chaque enfant est capital et les erreurs d'aiguillage peuvent s’avérer dramatiques.  On doit cependant regretter que les pratiques diagnostiques et éducatives relatives à l’autisme “sur le terrain” dépendent encore bien souvent autant de décisions administratives et de contraintes institutionnelles obsolètes que des caractéristiques cliniques et des besoins réels des enfants. Ceci conduit à se poser des questions concernant le fonctionement de la société dans laquelle on accueille aujourd’hui - ou n’accueille pas - les enfants, adolescents et adultes atteints d’autisme.  Cette journée a permis également de souligner les progrès accomplis dans la compréhension de l’autisme et du fonctionnement neurocognitif de ces sujets.  Depuis les premières descriptions cliniques de Kanner, des progrès scientifiques considérables ont en effet été réalisés, et s’ils permettent de mieux cerner les difficultés spécifiques de ces enfants, ils soulignent aussi l’existence chez eux de compétences particulières. La réalité de l’autisme se révèle ainsi plus complexe et plus hétérogène dans ses manifestations cliniques, elle ne peut plus être réduite aujourd’hui à une vision simplement négative et défectologique. Ces journées ont fait écho à ces progrès, mais elles ont aussi souligné qu’il reste encore du chemin à parcourir pour mieux comprendre ces sujets et pour les aider à se développer plus harmonieusement.  L’action de la Fondation pour la recherche en neuropsychologie pédiatrique Docteur Anne Van Hout s’inscrit dans cette perspective.  Ces progrès seront freinés, cependant, s'ils ne s'accompagnent pas de progrès sociaux, pour accueillir pleinement les enfants, les adolescents et les adultes atteints de troubles neuropsychologiques dans la société de demain.

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