ANAE N° 110 - Les difficultés du diagnostic différentiel entre "multidys" et retard mental - Le partenariat entre les acteur de la prise en charge des enfants "dys"

couv_ANAE_110_v7.jpgLes difficultés du diagnostic différentiel entre « multidys » et retard mental.

Le partenariat entre les acteurs de la prise en charge des enfants « dys »

 

CH. ROUSSELLE*,**, S. GONZALEZ*,***, O.REVOL*,****, I. SOARES-BOUCAUD*,*****

 

* *Centre de référence pour les troubles des apprentissages du CHU de Lyon

**Service de neuropédiatrie, HFME

***Service de rééducation fonctionnelle infantile l’Escale, HFME

****Service de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent (Unité 502), Hôpital neurologique

*****Service d’audiophonologie et d’explorations orofaciales, HFME ; Groupe Hospitalier Est, 59 bd Pinel, 69677 Bron Cedex

 

Nous remercions l’équipe d’A.N.A.E d’ouvrir les colonnes de sa revue, en acceptant de publier les actes de notre colloque d’octobre 2009 qui avait pour objectif de rassembler et de faire échanger une cohorte large et variée de professions et de personnes directement concernées par les troubles spécifiques des apprentissages (TSA) de l'enfant.

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La première partie, scientifique en toute modestie, s’attachera à déchiffrer les mécanismes du diagnostic différentiel entre un « multidys » (un enfant présentant de façon indépendante au moins deux troubles spécifiques des apprentissages) d’un retard mental (un enfant présentant un déficit global, pour tous les apprentissages). En insistant sur les enjeux pédagogiques et rééducatifs et plus globalement sur le parcours scolaire, en milieu ordinaire ou protégé pour le multidys, normo-intellectuel (Clis TSA, ou Ulis), en milieu spécialisé pour le déficient intellectuel (cf. article d’Agnès Blache et Corinne Gardie). Nous verrons que l’expérience du terrain, avec quelques études de cas ou la description d’une pathologie particulière (la dyspraxie verbale), n’autorise pas à être aussi tranché.

 

L’objectif de la seconde partie, plus difficile à illustrer par écrit, cherche à démontrer la nécessité qu’un dialogue, quelles que soient ses déclinaisons, s’installe entre les différents professionnels impliqués dans les troubles des apprentissages. La mise en place de tels réseaux illustre au premier chef ce partenariat, car ils créent un lien pertinent pour l’enfant et sa famille, non seulement entre les différents rééducateurs, mais aussi entre tous les partenaires du répertoire TSA.

 

Revenons aux multidys et aux retards mentaux. Différencier ces deux entités conduit directement à évoquer la notion théorique d’intelligence. C’est à Jacques Grégoire que revient la difficile mission de définir ce qu’est l’intelligence et comment, si cela est possible, la mesurer. Avec toutes les réserves quant à la nécessité de toujours interpréter les résultats des tests intellectuels en fonction du contexte de passation et de l’histoire de l’enfant, il démontrera avec brio, quelle que soit la théorie intellectuelle sous laquelle on se place, que l’intelligence intrinsèque d’un individu, soit le facteur g, ne peut être mesuré de façon pure.

 

Dans cette impossibilité réside toutes les difficultés du diagnostic différentiel. Le multidys est intelligent intrinsèquement, alors qu’extrinsèquement, sa comorbidité cognitive, plus elle concernera de domaines, peut donner le change avec une déficience mentale, par interférence avec les tests même les plus chargés en facteur g. Alors comment établir un diagnostic différentiel en pratique ?

 

Vania Herbillon, Sonia Kriffi-Papoz et Isabelle Comte-Gervais tenteront de répondre à cette question sous l’angle de l’évaluation neuropsychologique et de ses différents outils. Un court article décrit au préalable les principales comorbidités et leur fréquence, à propos de l’expérience sur quatre années d’un des quatre services constituant le CR. L’évaluation psychométrique par les échelles de Wechsler demeure la référence. En sachant ne pas considérer ni le QI total, ni les valeurs des échelles verbales et de performance, ni même celles des quatre indices composites du WISC-IV, mais bien la dispersion de tous les subtests. Qui autorise une appréciation, non pas quantitative, mais qualitative des capacités intellectuelles d’un individu. Toute dispersion des notes standard, en d’autres termes toute hétérogénéité, qu’elle soit inter- ou intra-échelle ou même inter- ou intra-indice doit faire suspecter un multidys. A fortiori si cette dispersion respecte plusieurs ou même un seul subtest, le(s) plus chargé(s) en facteur g, alors que les autres subtests sont échoués.  Soit dans les échelles de Wechsler un subtest comme les Similitudes qui possède un cœfficient de saturation en facteur g supérieur à 0.7 (mais pas de 1 : il reste sous l’influence des capacités verbales). Ce subtest s’avère relativement indépendant des influences socioculturelles et de l’adaptation scolaire de l’enfant. A contrario, il met en jeu ses capacités de conceptualisation, de généralisation et de pensée catégorielle, censées être les plus représentatives des capacités de logique abstraite, soit du facteur g. Il peut être nécessaire de choisir d’autres épreuves pour évaluer l’intelligence intrinsèque, comme l’épreuve de développement de la pensée logique (EDPL ou EPL de Longeot), les matrices progressives de Raven. Les matrices sont indépendantes (ou presque, cf. Jacques Grégoire)  de toute influence culturelle ou scolaire, mais pas du traitement visuo-spatial…

 

Gérald Bussy et coll. témoignent de ces difficultés diagnostiques en décrivant le profil neuropsychologique de la dyspraxie verbale. Où la co-existence des troubles langagiers à des troubles praxiques souvent beaucoup plus étendus que dans le domaine verbal, peut donner le change avec une déficience mentale, et rendre compte d’une absence de dispersion des notes standard, basses de façon homogène. Ces enfants sont également fréquemment inattentifs. Cette accumulation de TSA grève leur handicap social.

 

Difficultés de socialisation que l’on retrouve dans les scores, abaissés, aux échelles évaluant le comportement adaptatif comme la Vineland. Témoignant de l’absence de frontière nette entre multidys et retard mental, mais plutôt d’un continuum. Continuum qui pourrait aussi être illustré par l’existence pas si rare que cela au sein d’un retard mental léger éventuellement syndromique, ou d’une intelligence limite, de déficits cognitifs plus marqués dans un ou plusieurs domaines, très similaire aux TSA et aux multidys. L’existence d’une double comorbidité cognitive et psychiatrique peut rendre le tableau comportemental mal ou indéchiffrable (Olivier Revol et coll.).

 

De la même façon quand la sémiologie cognitive s’intrique avec celle d’une paralysie cérébrale (Sibylle Gonzalez-Monge et coll.).

 

Le dernier exemple (H. Levy-Sebbag et coll.) démontre l’évolutivité du profil neuropsychologique au fil du temps et de la maturation cérébrale. Si les résultats aux tests d’intelligence sont théoriquement stables au fur et à mesure du vieillissement, la coexistence d’une évolution développementale particulière pour chaque pathologie « dys », leurs interactions avec des facteurs psychoaffectifs et environnementaux rendent compte probablement de trajectoires évolutives qui peuvent aussi faire osciller la balance du diagnostic entre multidys et retard mental.

 

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