Séminaire MODYCO - Le bilinguisme bimodal chez les jeunes locuteurs de la LSF - 18 avril 2017
Séminaire Atypie et Dysfonctionnements Langagiers du laboratoire MODYCO
mardi 18 avril 2017 de 11h à 13h
Lieu salle 407, bâtiment A.
Laboratoire MODYCO - CNRS UMR7114 (bâtiment A)
200 avenue de la République - 92000 Nanterre
Le bilinguisme bimodal chez les jeunes locuteurs de la LSF : Comment maîtriser le français écrit sans l’oral à partir d’une langue qui n’a pas d’écrit ?
Alienor Bouchaud, CLLE, Université de Toulouse, CNRS, France
Mots-clés : Bilinguisme, Langue des Signes Française, Modalité écrite, Famille morphologique, Effet d’amorçage
Apprendre à lire, que l’on soit monolingue ou bilingue, est généralement considéré comme la mise en relation de formes phonologiques avec des formes orthographiques. Dans cette perspective, apprendre à lire pour un enfant sourd dont la langue maternelle est la langue des signes, semble inaccessible. En effet, les caractéristiques de la langue de signes française (LSF) rendent difficile la segmentation en unités phonologiques (Cuxac, 1999), mais pas impossible. En effet, on sait depuis longtemps que les signes peuvent être segmentés en paramètres (Stokoe, 1960) que sont : la configuration, le mouvement, l'orientation et l'emplacement.
Ce qui est moins évident est l'opportunité de combiner les paramètres ensemble et ainsi de créer des pseudo-morphèmes appelés «ion-morphs» par Fernald et Napoli (2000). Parce que les informations morphologiques ont un rôle central pour les processus d'accès au lexique et l'organisation du lexique mental (voir Giraudo & Da Maso, 2016 pour une revue), mais aussi en acquisition de lecture (par exemple, Kirby, Deacon & Bowers, 2011), les « ion-morphs » pourraient contribuer à l'acquisition de la lecture chez les enfants sourds. En effet, ces « ion-morphs » peuvent être traités comme des racines et ainsi être une voie d’accès privilégiée à la lecture, par la comparaison d’informations morphologiques en LSF et en français.
Les paradigmes d'amorçage dans lesquels l'effet d'une amorce (par exemple, « banquier ») sur le temps de réaction nécessaire à la reconnaissance d'un mot cible (par exemple, « banque ») sont particulièrement adaptés pour examiner la nature des connexions entre les formes des mots encodés en mémoire à long terme (voir Kinoshita & Norris, 2009).
À notre connaissance, les effets d'amorçage et, en particulier, les effets d'amorçage masqués dans lesquels les amorces masquées sont présentées pendant une très brève durée (<60 ms) n'ont jamais été examinés chez des enfants monolingues de la LSF.
Nous avons réalisé une première expérience d'amorçage pilote afin d'établir si des effets d'amorçage d'identité (amorce écrite – cible écrite) peuvent être observés dans cette population. Ces effets ont été testés à l'aide de 30 mots cibles (fruit), dans la condition d’identité reliée (fruit-fruit) ou non reliée (proie-fruit). 13 enfants de CE2 locuteurs natifs de la LSF ont participé à cette expérience. Une analyse distributive de 62 familles morphologiques (LSF et français écrit) a été réalisée pour la création du matériel expérimental (mots écrits simples, dérivés et composés et leurs correspondants en signes).
La condition d'identité reliée a produit des temps de réaction plus courts sur la reconnaissance de la cible que l'état non relié, ce qui suggère que les enfants sourds seraient sensibles aux effets d'amorçage visuel-visuel. Une deuxième expérience est en cours afin de déterminer si des effets d'amorçage masqués peuvent également être obtenus.
Caroline Bogliotti
MCF en Sciences du Langage
Université Paris Nanterre
Laboratoire MODYCO - CNRS UMR7114 (bâtiment A)
200 avenue de la République
92000 NANTERRE
http://caroline-bogliotti.u-paris10.fr/
http://recherches-lsf.u-paris10.fr